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Tout est provisoire
2 août 2005

Calles limeñas

lima_2005_068

    En rentrant de la petite rue aux commerces nous passons devant une de ces belles maisons. Ses fenêtres teintées me regardent comme de vieilles Ray-Ban. Je comprends alors pourquoi je me sens si près de sa porte: il n'y a pas de grillage. Ça m'étonne. Ici, en plus du garde dans chaque rue, les maisons sont inlassablement protégées par de puissantes grilles couvrant toute ouverture, et pointant vers le ciel divers artefacts tranchants et électrifiants. Or cete maison en est dépourvue. Je lui en fais la remarque. Il me dit que ce n'était pas comme ça avant, que toutes les maisons ressemblaient à celle-ci aux murs vert foncé, libre, et qu'il n'y avait pas dans chaque rue un malheureux armé risquant sa vie douze heures par jour pour quelques Soles - la monnaie péruvienne avec le Dollar. Avant le terrorisme tout était beaucoup plus calme.
    J'ai observé le parc et fondre la certitude ancrée en moi que la violence avait toujours été liée à Lima. Qu'un jour j'aurais pu me balader sans crainte, je n'y crois toujours pas. C'est tout simplement incroyable, parce que ce n'est pas comme ça que cette ville a grandit en moi.
    Cette année j'ai vu ce qui se passait vraiment là-bas. Le terrorisme est terminé depuis quelques années, mais la violence reste. La corruption est omniprésente. Toute une mécanique, plus compliquée que je ne me l'imaginais. Il y a une Histoire récente importante là-bas, et en s'y intéressant on y trouve une mécanique terroriste toute fraîche, qui s'y déroule en quarante ans. Le contexte est particulier, mais si seulement on prenait la peine de regarder.
    Cette année, quand on nous demande ce qu'on pense de Lima, on dit que les choses on l'air d'aller mieux. Plus d'argent, plus de déceloppement. N'empêche qu'on en est toujours là...

lima_2005_069

N.B.: je n'ai pas l'habitude de traiter ici des sujets qui sortent de l'intimité et de l'évasion, mais je me rattrape, et les rues de Lima également, avec cette impression:

    Dehors toujours ce gris, bien bas sur nos têtes. La rue numéro deux, au calme, comme suspendue au milieu de ce pays, toujours dans la même saison dans ma mémoire. Le cycle veut ça. Depuis toute existence, le rythme de ce cycle veut que tous les changements qui s'impriment dans ma rétine de ces vies, cet univers parallèle et lointain, gagnent en contraste parce qu'ils s'effectuent sur la même toile de fond. Seuls les individus changent. Je change. Mais ni la lumière, ni la violence ne se donnent cette peine.
    Pourtant quelque part dans ces dix millions, un souvenir, un cliché qui montre - ou démontre, c'est selon. Rue numéro deux, donc, toujours bien gentille dans son gris, son gris clair, ce gris calme. Le concierge, constance des années s'il en est, nous ouvre de son plus grand sourire, celui qui fait plisser sa peau foncée au coin de ses yeux. Nous foulons cette rue en béton et attendons près de la voiture, en saluant chaleureusement le garde de cette portion de béton.
    Nous attendons. Il est devant moi et la regarde. Je ne sais pas qu'ils se regardent. J'erre lentement vers la portière. J'erre en un pas, deux pas, pas plus. C'est long, c'est court, je ne sais pas. Le temps est devenu clair calme lui aussi. Et ils s'embrassent.
    Pas de bruit sous les nuages; un baiser. Il montre que pour eux, plus de vingt ans ont passé. Ils sont là, les deux, près de la voiture, dans la rue immobile et plate. Et moi à côté: le fruit de leur amour.

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Commentaires
G
merci
H
oui...
L
C'est bonheur de vous lire à nouveau.
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